Pourquoi parle-t-on de « propriété commerciale » à l’évocation du bail commercial ?
Un des principaux éléments du fonds de commerce est le bail commercial ou plus précisément le droit au bail commercial. En effet, un décret du 30 septembre 1953 a posé les bases d’une législation spécifique en matière de baux commerciaux.
Eu égard à la nécessité d’encourager l’économie pour favoriser la croissance, le législateur a voulu instaurer une protection particulière par rapport au droit commun de la location immobilière pour les locataires de baux commerciaux.
Si le locataire pouvait facilement se voir demander de quitter les lieux, cela pourrait mettre en péril son activité et avoir de graves conséquences tant pour lui que pour l’ensemble de la société, si on imagine les répercussions que ce phénomène pourrait avoir à grande échelle.
Il est à noter que ces dispositions ne s’appliquent qu’à des locataires commerçants immatriculés propriétaires d’un fonds de commerce, dans lequel les franchisés sont inclus.
C’est ainsi que la loi accorde aux locataires un certain nombre de prérogatives qui ont amené la doctrine et même la jurisprudence (C. Cass 3e civ.18 mai 2005) à assimiler les droits du locataire à une sorte de propriété commerciale, tant ses droits étaient proches de ceux d’un propriétaire.
Quels sont ces prérogatives ?
Afin d’assurer une sérénité dans l’esprit du locataire qui a certainement vocation à s’installer durablement dans les lieux, le législateur a fixé à l’article L145-4 du Code de commerce, la durée d’un bail commercial à 9 ans et ce, à la différence d’un bail d’habitation qui lui n’est que de 3 ans (sauf bail commercial dérogatoire où la durée peut être réduite).
En second lieu, le statut particulier du bail commercial se définit par le fait que le locataire dispose d’un droit au renouvellement du bail à l’expiration des 9 années consacré à l’article L145-8 du même code.
Ce qui a pour conséquence que si le bailleur ne renouvelle pas le bail, il devra verser une indemnité d’éviction au locataire sauf motif grave et légitime (L145-14), indemnité qui au reste est généralement assez lourde.
De plus le locataire a le droit de céder son bail chaque fois que cette opération s’inscrit dans un transfert de son entreprise (L145-16).
Il s’agit ici de ce que l’on appelle une prérogative exorbitante du droit commun en ce que cette prérogative est d’ordre public et qu’aucune clause ne peut interdire de céder le bail en même temps que le fonds de commerce.
Enfin, ce droit au renouvellement appartient au locataire, mais il peut aussi être transmis aux héritiers ou aux cessionnaires du moment qu’ils sont immatriculés.
Pour tempérer ce caractère de super privilégié, le législateur impose le locataire justifie d’avoir exercé son activité pendant 3 ans pour pouvoir exercer son droit de renouvellement au bail ce qui se comprend aisément puisqu’il n’y a pas de raison que le propriétaire subisse ce statut alors que l’activité commerciale n’a pas débuté véritablement.
Le statut ainsi mis en place pour le locataire d’un bail commercial se rapproche ainsi considérablement de la propriété, même s’il ne s’agit pas strictement d’une propriété au sens de l’article 544 du Code civil qui dispose que « La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ».
Il est évident que parler de propriété commerciale est en quelque sorte un abus de langage puisque la propriété est un droit réel alors que le droit de renouvellement au bail commercial est un droit personnel contre le propriétaire.
Toutefois, il convient de remarquer que l’expression n’est pas totalement dénuée de fondement eu égard à toutes ces dispositions, au fait que le bail commercial et le droit au bail qui en découle est intégré dans le fond de commerce qui peut faire l’objet d’une vente. Il peut également faire l’objet d’un nantissement par les créanciers ce qui confère une véritable dimension de bien, certes incorporel, mais pas inexistant juridiquement.
Cette dimension de bien a même été consacrée par la CEDH dans le protocole additionnel numéro 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
D’aucuns sont même allés jusqu’à considérer que l’indemnité d’éviction s’apparentait finalement à une indemnité d’expropriation, tant elle était lourde. Cet effet dissuasif voulu par ce statut particulier rend l’éviction rare et quand elle a lieu, une réparation importante du préjudice lié au non renouvellement sera exigée.
Ce qui de facto contribue à considérer que lorsque l’on parle de locataire d’un bail commercial, la notion de propriété commerciale nous vient à l’esprit eu égard à son intégration dans le fonds de commerce, de sa cessibilité, de sa durée importante, et de son droit au renouvellement susceptibles de lourdes indemnités en cas de refus