Les orientations d’aménagement et de programmation (OAP) et leur régime contentieux en ligne de crête

Qu’est-ce qu’une orientation d’aménagement et de programmation (OAP) ?

 

 

Une orientation d’aménagement et de programmation (OAP) constitue l’expression d’une intention d’aménagement de la part d’une collectivité, sur une ou plusieurs parcelles non équipées, à proximité d’une zone urbanisée. La collectivité ne sait pas encore précisément ce qu’elle veut faire de cette zone mais le législateur lui permet de fixer une intention d’usage et de limiter d’ores et déjà le droit de propriété en intégrant une règle à visée prospective intégrée dans le plan local d’urbanisme (PLU) opposable aux demandes d’autorisation d’urbanisme de type permis de construire : habitat, préservation des espaces naturels, aménagement commercial, gérer l’accès à la zone en matière de desserte et de stationnement.

 

 

Son régime juridique est aujourd’hui régi par les dispositions législatives prévues aux articles L. 151-6 et suivants du code de l’urbanisme et par les dispositions règlementaires prévues aux articles R. 151-6 et suivants du même code qui détaillent et précisent les dispositions législatives.

 

 

Sur la forme, les OAP bénéficient d’une certaine souplesse et peuvent se présenter sous forme écrite ou alors prendre la forme de schémas d’aménagement éventuellement combinés. Les OAP peuvent être thématiques, sectorielles ou thématiques ET sectorielles ce qui leur garantit une faculté à s’adapter tant aux enjeux thématiques du territoire qu’aux périmètres
à enjeux.

 

 

On en distingue 2 grands types : les OAP sectorielles dont les dispositions s’appliquent en l’absence de prescriptions réglementaires dans un secteur ou un quartier au sein d’une zone U ou AU, catégorie la plus courante, et les OAP portant sur une zone d’aménagement concertée (ZAC).

 

Pour être légale, une OAP sectorielle se doit de respecter un certain nombre de règles expliquées ci-après.1. Un impératif de cohérence de l’OAP avec le PADD L’article L. 151-6 du code de l’urbanisme pose en premier lieu un impératif de cohérence entre l’OAP et les objectifs présentés dans le projet d’aménagement et de développement durable (PADD) et dispose que :
« Les orientations d’aménagement et de programmation comprennent, en cohérence avec le projet d’aménagement et de développement durable, des dispositions portant sur l’aménagement, l’habitat, les transports, les déplacements et, en zone de montagne, sur les unités touristiques nouvelles ».

 

L’article R. 151-8 du code de l’urbanisme stipule en particulier pour les zones urbaines (type UA ou UB comme celle dans laquelle votre parcelle est située) que : « Les orientations d’aménagement et de programmation des secteurs de zones urbaines ou de zones à urbaniser mentionnées au deuxième alinéa du R. 151-20 dont les conditions d’aménagement et d’équipement ne sont pas définies par des dispositions réglementaires garantissent la cohérence des projets d’aménagement et de construction avec le projet d’aménagement et de développement durables ».

 

A contrario, une OAP qui ne présenterait pas un rapport de cohérence avec le PADD serait illégale. En ce sens, il a été jugé que : « Les OAP ne peuvent définir l’organisation de la circulation au regard de choix incompatibles avec les orientations générales arrêtées par le PADD » (TA Pau, 29 mars 2016, Cts Vidal, n° 1401425).

 

2. Un impératif de pertinence du périmètre de l’OAP en termes d’aménagement du territoire

 

Le guide de la modernisation du contenu du PLU(i) publié en avril 2017 par le ministère chargé de l’urbanisme précisait que « les OAP sectorielles peuvent porter sur des parcelles non contiguës, par exemple des parcelles situées de part et d’autre d’une rue, lorsqu’elles forment un quartier ou un secteur », mais en soulignant le besoin de cohérence de ce choix : « il ne s’agit donc pas de réaliser des OAP sectorielles sur quelques parcelles éparses pour lesquelles il sera difficile de décliner des orientations générales ».

 

 

Dans ce contexte, et la jurisprudence administrative l’a confirmé, une OAP implique un ensemble d’orientations définissant des actions ou opérations visant, dans un souci de cohérence à l’échelle du périmètre qu’elle couvre, à mettre en valeur des éléments de l’environnement naturel ou urbain ou à réhabiliter, restructurer ou aménager un quartier ou
un secteur.«

 

 

Elle ne peut se limiter à prévoir, sur l’essentiel de son périmètre, la conservation de l’état actuel de l’occupation du sol en se bornant à définir des préconisations pour une partie très résiduelle de ce périmètre et sans qu’apparaisse, par ailleurs, un lien étroit avec une orientation générale d’aménagement définie à l’échelle du secteur couvert.

 

Par ailleurs, l’OAP se doit d’éviter que son périmètre réel ne se réduise en fait à une portion trop petite du quartier ou du secteur déterminé, en contradiction avec la logique d’aménagement des OAP. L’OAP n° 5 contestée, qui couvre environ 6 ha, comprend pour l’essentiel un parc public représentant plus de la moitié de sa superficie pour lequel il n’est rien prévu d’autre que sa conservation, et des secteurs construits ou en cours de construction d’environ 2,5 ha qui ne sont concernés par aucune orientation particulière hormis la préservation ponctuelle d’un jardin ; que les seules orientations envisagées relatives à des
actions ou opérations particulières se limitent en réalité à l’emprise des parcelles de la SCI du Vernay sur lesquelles est prévue la création d’une « poche verte » d’environ 1 000 m² et l’implantation d’un immeuble en R+1 d’une douzaine de logements à l’angle de la rue L. Vernay et du chemin des Pilonnes sur un emplacement précisément délimité par le schéma d’aménagement » (CAA Lyon, 13 février 2018, SCI du Vernay, no 16LY00375).

 

Dans le même sens, le tribunal administratif de Besançon a également tranché plus récemment qu’une OAP ne peut pas être trop prescriptive, en particulier dans l’hypothèse où elle s’applique sur une zone correspondante quasiment ou totalement à une parcelle privée.

 

 

Il est constant que l’OAP n°6, eu égard à sa surface et aux plans de zonage et vues aériennes produites par les parties, s’applique exclusivement à la parcelle litigieuse. Or, dès lors que celle-ci abrite d’ores et déjà deux bâtiments à usage d’habitation, les principes généraux d’aménagement prévus dans cette OAP auront nécessairement pour effet de faire obstacle
à tout projet d’aménagement autre que celui destiné à transformer ces deux bâtiments en hébergement hôtelier ou touristique. Toutefois, il résulte des dispositions citées au point 3 qu’une OAP, en tant qu’outil d’encadrement des transformations de l’espace urbain, n’a vocation qu’à fixer des objectifs à atteindre tout en laissant une marge d’appréciation et d’adaptation à la collectivité, dans le cadre du contrôle ultérieur de comptabilité entre une demande d’autorisation d’urbanisme et ces orientations, par définition imprécises, et ne saurait fixer, contrairement au règlement d’un plan local d’urbanisme, des règles précises destinées, notamment, à limiter à une seule catégorie de destination des constructions déjà implantées sur le territoire d’une commune. Dans ces conditions, les requérants sont fondés à soutenir que l’OAP n°6 contenue dans le PLU de la commune de Dannemarie-sur-Crète est entachée d’une erreur de droit et, qu’en refusant de l’abroger, la communauté urbaine GBM a entaché sa décision du 16 juin 2021 d’une erreur manifeste d’appréciation » (TA Besançon, 2ème chambre, 10 novembre 2022, n° 2101250).3. Un champ thématique large L’article L. 151-6 du code de l’urbanisme précité dispose d’abord que les OAP comprennent nécessairement des dispositions portant sur l’aménagement, l’habitat, les transports, les
déplacements.

L’article L. 151-7 du même code précise les directions possiblement prises par ces OAP notamment en matière de continuité paysagère, de desserte et de transition végétalisée, et dispose ainsi que :

« Les orientations d’aménagement et de programmation peuvent notamment :

1o Définir les actions et opérations nécessaires pour mettre en valeur l’environnement, notamment les continuités écologiques, les paysages, les entrées de villes et le patrimoine, lutter contre l’insalubrité, permettre le renouvellement urbain, favoriser la densification et assurer le développement de la commune ;

 2o Favoriser la mixité fonctionnelle en prévoyant qu’en cas de réalisation d’opérations d’aménagement, de construction ou de réhabilitation un pourcentage de ces opérations est destiné à la réalisation de commerces

 3o Comporter un échéancier prévisionnel de l’ouverture à l’urbanisation des zones à urbaniser et de la réalisation des équipements correspondants ;

 4o Porter sur des quartiers ou des secteurs à mettre en valeur, réhabiliter, renaturer, notamment par l’identification de zones propices à l’accueil de sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation, restructurer ou aménager ;

 5o Prendre la forme de schémas d’aménagement et préciser les principales caractéristiques des voies et espaces publics ;

 6o Adapter la délimitation des périmètres, en fonction de la qualité de la desserte, où s’applique le plafonnement à proximité des transports prévu aux articles L. 151-35 et L. 151-36 ;

 7o Définir les actions et opérations nécessaires pour protéger les franges urbaines et rurales. Elles peuvent définir les conditions dans lesquelles les projets de construction et d’aménagement situés en limite d’un espace agricole intègrent un espace de transition végétalisé non artificialisé entre les espaces agricoles et les espaces urbanisés, ainsi que la localisation préférentielle de cet espace de transition ».

 

Les dispositions règlementaires prévues à l’article R. 151-8 du code de l’urbanisme précisent qu’une OAP doit obligatoirement porter sur au minimum une des problématiques évoquées
à l’article L. 151-7 précité. Il stipule que :

« Les orientations d’aménagement et de programmation portent au moins sur :
 La qualité de l’insertion architecturale, urbaine et paysagère ;
 La mixité fonctionnelle et sociale ;
 La qualité environnementale et la prévention des risques ;
 Les besoins en matière de stationnement ;
 La desserte par les transports en commun ;
 La desserte des terrains par les voies et réseaux.

Ces orientations d’aménagement et de programmation comportent un schéma d’aménagement qui précise les principales caractéristiques d’organisation spatiale du secteur ».

 

Dans le même sens, l’article R. 151-6 du code de l’urbanisme stipule que : « Les orientations d’aménagement et de programmation par quartier ou secteur définissent les conditions d’aménagement garantissant la prise en compte des qualités architecturales, urbaines et paysagères des espaces dans la continuité desquels s’inscrit la zone, notamment en entrée de ville. Le périmètre des quartiers ou secteurs auxquels ces orientations sont applicables est délimité dans le ou les documents graphiques prévus à l’article R. 151-10 ».

 

4. Une exigence tenant aux motifs d’identification des sites par l’OAP en matière de continuité paysagère

 

L’article R. 151-7 du code de l’urbanisme stipule que dans l’hypothèse où une OAP définit les conditions d’aménagement garantissant la prise en compte des qualités architecturales, urbaines et paysagères, elle se doit d’identifier et localiser ces sites pour des motifs précis, et ce, en particulier dans les zones urbaines :

 

« Les orientations d’aménagement et de programmation peuvent comprendre des dispositions portant sur la conservation, la mise en valeur ou la requalification des éléments de paysage, quartiers, îlots, immeubles, espaces publics, monuments, sites et secteurs qu’elles ont identifiés et localisés pour des motifs d’ordre culturel, historique, architectural ou écologique, notamment dans les zones urbaines réglementées en application de l’article R. 151-19. Elles peuvent également identifier des zones préférentielles pour la renaturation et préciser les modalités de mise en œuvre des projets de désartificialisation et de renaturation dans ces secteurs. Ces zones ou secteurs peuvent être délimités dans le ou les documents graphiques prévus à l’article R. 151-10 ».5. Une OAP ne doit pas être « trop » prescriptive Une OAP ne peut pas fixer précisément les caractéristiques des constructions sur le périmètre déterminé selon la Cour administrative d’appel de Lyon.

 

« Si les OAP peuvent, prendre la forme de schémas d’aménagement, ces dispositions n’ont ni pour objet ni pour effet de permettre aux auteurs du PLU, qui peuvent préciser les principales caractéristiques des voies et espaces publics, de fixer précisément, au sein de telles orientations, les caractéristiques des constructions susceptibles d’être réalisées, dont la
définition relève du règlement ; une OAP ne peut être regardée comme définissant une action ou une opération ni comme portant sur l’aménagement d’un quartier ou d’un secteur et comporte des dispositions qui, en ce qu’elles reviennent à fixer les caractéristiques d’une construction déterminée, ne sont pas au nombre de celles qui peuvent être définies au titre des dispositions susvisées » (CAA Lyon, 13 février 2018, SCI du Vernay, no 16LY00375).

 

Position confirmée plus récemment :

 

« Une OAP ne saurait fixer, contrairement au règlement d’un plan local d’urbanisme, des règles précises destinées, notamment, à limiter à une seule catégorie de destination des constructions déjà implantées sur le territoire d’une commune » (TA Besançon, 2ème chambre, 10 novembre 2022, n° 2101250).

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Maître Moshé Benhamou

Avocat exerçant en cabinet individuel, inscrit au Barreau de Paris, je mets mon expertise juridique au service de la protection de vos droits et de la défense de vos intérêts, avec rigueur et engagement.